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Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/116

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plir. Sa courte rêverie fut interrompue par le retour de Caleb Garth, qui secouait déjà la bride de son cheval pour se mettre en route, lorsqu’il s’écria :

— Dieu me bénisse ! Quel est cet individu en noir qui vient dans le sentier ? Il ressemble à un de ces personnages qu’on voit rôder après les courses.

M. Bulstrode tourna la tête de son cheval et regarda le sentier. L’arrivant était notre récente connaissance, M. Raffles, dont l’apparence ne présentait d’autre changement que celui qu’elle devait à un habillement noir et à un crêpe autour du chapeau. Il était à quelques pas des deux cavaliers, et ils purent voir l’éclair de reconnaissance qui passa sur son visage, tandis que, faisant tourner sa canne en l’air, sans cesser de regarder M. Bulstrode, il s’écria à la fin :

— Par Jupiter, Nick ! c’est vous ? Je n’aurais pu m’y tromper, malgré les vingt-cinq ans qui ont joué à Croquemitaine avec nous deux ! Comment allez-vous, eh ? Vous ne vous attendiez pas à me voir ici. Allons, donnons-nous une poignée de main.

Dire que les manières de M. Raffles étaient un peu excitées ne serait qu’une manière de dire que le soir était venu. Caleb Garth put voir qu’il y avait un moment d’hésitation et de lutte dans le cœur de M. Bulstrode, mais il finit par tendre froidement la main à Raffles en disant :

— Je ne m’attendais certainement pas à vous voir dans cette campagne éloignée.

— Ah ! c’est qu’elle appartient à un beau-fils à moi, dit Raffles, prenant une attitude de crânerie. J’étais déjà venu le voir ici. Je ne suis pas surpris de vous y trouver, vieux camarade, parce que j’ai mis la main sur une lettre, — ce qu’on pourrait appeler quelque chose de providentiel. C’est pourtant une chance extraordinaire que je vous aie rencontré ; car je ne me soucie pas de voir mon beau-fils, il