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Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/12

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comme les corps odorants, ont une double existence, à la fois solide et subtile : — solide comme les pyramides, subtile comme le vingtième écho d’un écho, ou le souvenir de jacinthes qui auront une fois parfumé la nuit. Et Will était d’un tempérament fait pour sentir vivement les plus subtiles impressions ; un homme avec des perceptions plus grossières n’aurait pas senti, comme lui, que, pour la première fois, et bien indépendamment de lui, l’idée de quelque chose d’incorrect dans la parfaite aisance de leurs rapports avait traversé l’esprit de Dorothée, et que leur silence, pendant qu’il la conduisait à la voiture, avait eu, en soi, quelque chose de glacé. Casaubon n’aurait-il pas, dans sa haine et dans sa jalousie, persuadé à Dorothée que Will était descendu au-dessous d’elle dans l’échelle sociale ? Maudit soit Casaubon !

Will rentra dans le salon, et, prenant son chapeau, s’avança d’un air contrarié vers mistress Lydgate qui s’était assise à sa table à ouvrage.

— C’est toujours une fatalité, lui dit-il, d’être interrompu, quand on fait de la musique ou de la poésie. Pourrai-je revenir un autre jour, pour achever au moins de vous rendre Lungi dal caro bene ?

— J’aurai plaisir et profit à vous entendre, repartit Rosemonde. Mais convenez que cette fois c’était une belle interruption. J’envie vraiment votre liaison avec mistress Casaubon. Est-elle très spirituelle ? Elle en a l’air.

— En vérité, je n’y ai jamais songé, dit Will avec humeur.

— C’est tout juste la réponse de Tertius, la première fois que je lui ai demandé si elle était jolie. À quoi donc pensez-vous, vous autres hommes, lorsque vous vous trouvez avec mistress Casaubon ?

— À elle-même, répliqua Will qui n’était pas fâché de provoquer la charmante mistress Lydgate. Quand on est en