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Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/125

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homme peut se duper lui-même dans l’effort qu’il fait pour s’assurer un avantage excessif. Bien que je ne vous doive rien en aucune façon, je suis disposé à vous faire une pension — payable par trimestre — aussi longtemps que vous tiendrez la promesse de demeurer éloigné de ces environs. Il est en votre pouvoir de choisir. Si vous insistez pour rester ici, même pour peu de temps, vous n’obtiendrez rien de moi. Je ne vous connaîtrai pas.

— Ah ! ah ! fit Raffles avec une explosion de rire affectée, cela me fait souvenir d’un plaisant chien de voleur qui refusait de connaître le constable.

— Vos allusions sont perdues pour moi, monsieur, dit Bulstrode avec une colère blanche, la loi n’a pas de prise sur moi, ni par votre intermédiaire ni par celui de n’importe qui.

— Vous ne savez pas comprendre la plaisanterie, mon bon ami. Je voulais seulement dire que, moi, je ne refuserais jamais de vous connaître. Mais soyons sérieux. Votre payement par trimestre ne me convient pas tout à fait. J’aime mon indépendance.

Ici Raffles se leva et arpenta deux ou trois fois la chambre de long en large, en affectant l’air de méditation d’un homme supérieur. Il s’arrêta enfin en face de Bulstrode, et reprit :

— Je vous dirai, quoi ? Donnez-moi une couple de cent livres, allons, c’est modeste ! — et je m’en irai, — sur mon honneur ! je prendrai mon portemanteau et je m’en irai. Mais je ne sacrifierai pas ma liberté à une sale petite rente. J’irai et je viendrai comme il me plaira. Peut-être me conviendra-t-il de rester à distance et de correspondre avec un ami, peut-être non. Avez-vous l’argent sur vous ?

— Non, je n’ai qu’une centaine de livres, dit Bulstrode, sentant un trop grand soulagement à être immédiatement débarrassé de cet homme, pour hésiter à cause des incertitudes à venir. — Je vous ferai parvenir le reste, si vous voulez me donner votre adresse.