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Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/142

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pourquoi d’ailleurs eût-il fait autrement ? Sir James repoussait avec tant d’horreur la simple pensée d’un rapprochement entre Dorothée et Ladislaw, à titre d’aspirant possible à sa main, que de lui-même il désirait éviter tout signe extérieur de déplaisir qui semblât admettre cette possibilité désagréable. Son aversion pour « ce Ladislaw » était d’autant plus forte qu’il se sentait incapable d’expliquer autrement que par le codicille de Casaubon l’horreur que lui inspirait cette idée, — et également incapable d’intervenir. Mais sir James représentait une puissance dont il ne se doutait pas lui-même. Sa présence à cette heure était comme la personnification des raisons péremptoires, en face desquelles l’orgueil de Will acquérait pour le tenir éloigné de Dorothée une force invincible.



CHAPITRE II


Dorothée, encore dans ce temps de la jeunesse où, après une abondante pluie de larmes pures, les yeux éclaircis regardent sous leurs longs cils épais, comme une fleur de la passion à peine ouverte, Dorothée considérait sa séparation d’avec Will Ladislaw comme la fin de tous rapports désormais. Il s’en allait dans l’inconnu des années lointaines, et, si jamais il revenait, ce serait un autre homme qui reviendrait. Ses dispositions actuelles, sa fiére résolution de donner d’avance un démenti à tous les soupçons qui pourraient le qualifier d’aventurier à la poursuite d’une femme riche, — tout cela était bien loin de sa pensée à elle, et elle donnait à sa conduite la plus simple interprétation en supposant que le codicille de M. Casaubon lui avait paru comme à elle-même une grossière et cruelle interdiction de toute vive affection entre eux. C’en était à jamais fini du ravissement qu’ils