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Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/149

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— Mais, en femme cependant, j’espère, dit mistress Garth, avec un léger soupçon que mistress Casaubon ne respectait peut-être pas le vrai principe de la subordination.

— Oh ! vous ne pouvez vous l’imaginer, répondit Caleb en secouant la tête. Vous aimeriez à l’entendre parler, Suzanne. Elle s’exprime dans un langage si naturel et avec une voix comme de la musique. Dieu me bénisse ! cela me rappelle certain passage de la Messiade : « Et aussitôt apparut une multitude formée par des légions célestes, louant Dieu et disant : « Il y a quelque chose dans sa voix, qui réjouit l’oreille. »

Avec la bonne entente qui existait entre eux, il était naturel que Dorothée priât M. Garth de se charger de toutes les affaires concernant les trois fermes et les nombreux tenanciers attachés à Lowick-Manor ; en vérité, son attente d’obtenir du travail pour deux allait être remplie avec usure. Comme il le disait, « les affaires engendrent les affaires », et une forme d’affaires qui commençait alors à se multiplier, c’était la construction des chemins de fer. Une ligne projetée devait traverser, sur la paroisse de Lowick, des prairies où les bestiaux, jusque-là, avaient brouté dans une paix que nulle surprise ne venait interrompre ; ce fut ainsi que les premiers efforts du système naissant des chemins de fer pénétrèrent dans les affaires de Caleb Garth, et déterminèrent le cours de cette histoire, pour deux personnes qui lui étaient chères. Le chemin de fer sous-marin peut avoir ses difficultés mais le lit de la mer n’est pas partagé entre une infinité de propriétaires ruraux, qui réclament des indemnités, non seulement pour des dommages mesurables, mais encore pour des questions de sentiment. Pour la centaine de propriétaires auxquels appartenait Middlemarch, les chemins de fer étaient un sujet aussi palpitant que le bill de réforme ou les horreurs imminentes du choléra ; les femmes surtout et les propriétaires fonciers émet-