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Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/165

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sables qu’à la direction en haut ou en bas de leurs jambages ; les traits étaient noirs et épais et les lettres dédaignaient de rester sur la ligne ; c’était en résumé un manuscrit de cette espèce vénérable, facile à interpréter quand on sait d’avance ce que veut dire l’écrivain.

À mesure que Caleb le regardait faire, son visage marquait un abattement croissant, mais lorsque Fred lui tendit le papier, il poussa quelque chose comme un grognement et frappa dessus avec violence du revers de la main. Une mauvaise besogne comme celle-là dissipait toute la douceur de Caleb.

— Du diable ! s’écria-t-il avec mauvaise humeur. Penser que nous sommes dans un pays où l’éducation d’un homme peut coûter des centaines et des centaines de livres, pour aboutir à cela ! Que le Seigneur ait pitié de nous, Fred, je ne puis me contenter de cela !

— Que faire, monsieur Garth ? dit Fred dont les esprits étaient tombés très bas, non seulement devant l’appréciation de son écriture, mais devant la vision de son propre personnage en train d’être mis au rang des commis de bureau.

— Que faire ? Mais il vous faut apprendre à former vos lettres et à rester sur les lignes. À quoi bon écrire si personne ne peut comprendre ? Y a-t-il si peu d’affaires dans ce monde qu’il faille encore envoyer des énigmes de tous les côtés ? Je perdrais je ne sais combien de temps avec les lettres que m’adressent certaines personnes, si Suzanne ne les déchiffrait pour moi. C’est dégoûtant !

Et Caleb repoussa le papier loin de lui.

Fred, en proie à des pensées diverses, les joues écarlates, se mordait la lèvre, dans sa mortification. M. Garth avait été si bon et si encourageant au commencement de leur entrevue, que la gratitude et l’espérance avaient atteint, chez Fred, un degré dont l’élévation rendit la chute plus profonde. Il n’avait pas songé à un travail de bureau ; le