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Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/169

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était jamais arrivé. Elle avait trop de douceur dans le caractère pour pouvoir manifester de la colère ; mais elle sentit que son bonheur avait reçu un coup, et pendant plusieurs jours, la simple vue de Fred lui tirait des larmes, comme s’il eût été l’objet d’une prophétie funeste. Peut-être fut-elle d’autant plus longue à retrouver son enjouement ordinaire, que Fred l’avait engagée à ne pas revenir sur cette pénible question avec son père, qui avait accepté sa décision et lui avait pardonné. Si son mari s’était élevé contre Fred, elle eût été poussée à défendre son favori. Ce fut vers la fin du quatrième jour que M. Vincy lui dit :

— Allons, Lucie, ma chère, ne soyez pas si abattue. Vous avez toujours gâté ce garçon et vous devez continuer à le gâter.

— Rien ne m’a encore affligée comme cela, Vincy, répondit mistress Vincy, dont la gorge et le menton recommencèrent à trembler, rien, excepté sa maladie.

— Bah ! bah ! n’y faites pas attention ! Il faut nous attendre à avoir du souci avec nos enfants. N’empirez pas les choses en vous montrant à moi si découragée.

— Eh bien, je ne le serai plus, repartit Lucie, ainsi rappelée à elle-même et rajustant sa toilette par une petite secousse, comme un oiseau qui secouerait son plumage hérissé.

— Il ne s’agit pas de commencer à faire de l’embarras à propos de l’un, dit M. Vincy, désireux de mêler un peu de gronderie à sa bonne humeur domestique. Il y a encore Rosemonde, aussi bien que Fred.

— Oui, la pauvre enfant, cela m’a fait bien de la peine, qu’elle ait été déçue dans son espoir d’un bébé ; mais elle l’a bien supporté.

— Un bébé, baste ! Ce que je vois, c’est que Lydgate est en train de faire du gâchis avec sa clientèle, et des dettes aussi, à ce que j’entends dire. Rosemonde va venir me