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Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/19

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est d’autant plus claire, qu’il n’y a pas de question pécuniaire en jeu, qui pourrait jeter sur ma persévérance une lumière équivoque.

— Je suis contente que vous m’ayez dit cela, monsieur Lydgate, répondit Dorothée cordialement. Je suis sûre que je pourrai vous aider un peu. J’ai quelque argent et je ne sais qu’en faire ; c’est une pensée qui souvent me tourmente. Je pourrai certainement économiser deux cents livres par an pour un but élevé comme celui-là. Êtes-vous heureux de connaître des choses que vous sentez devoir être sûrement bienfaisantes ! Je voudrais tant pouvoir me réveiller tous les matins avec cette conviction. Il semble qu’il y a tant d’efforts dépensés, dont on peut à peine voir l’utilité.

Il y avait une inflexion mélancolique dans la voix de Dorothée, lorsqu’elle prononça ces derniers mots. Mais elle ajouta aussitôt, plus gaiement :

— Venez nous voir à Lowick, voulez-vous, et nous parler de cela plus au long. J’en dirai un mot à M. Casaubon. Il faut maintenant que je m’en retourne au plus vite.

Elle parla en effet de la chose, le même soir, à son mari, en disant qu’elle aimerait à souscrire pour deux cents livres par an, — elle en touchait annuellement sept cents, revenus de sa fortune personnelle, remise entre ses mains au moment de son mariage. M. Casaubon ne fit d’autre objection qu’une remarque en passant, sur ce que la somme était peut-être disproportionnée au regard d’autres bonnes œuvres, et voyant Dorothée, dans son ignorance, écarter cette réflexion, il donna son assentiment. Il ne s’inquiétait pas lui-même des questions de dépenses, et n’éprouvait nulle répugnance à donner. S’il ressentait jamais vivement une question d’argent, c’était toujours au travers d’une autre passion, bien étrangère à l’amour de la propriété matérielle.

Dorothée lui dit qu’elle avait vu Lydgate et elle lui rendit compte de la conversation qu’elle avait eue avec lui au sujet