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Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/196

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répondit Lydgate sèchement, l’air toujours sombre et regardant obstinément ses jambes étendues.

Will n’avait pas besoin d’en entendre davantage.

— Je m’en vais, dit-il en saisissant son chapeau.

— On va apporter le thé, dit Rosemonde. Restez donc, je vous en prie.

— Non, Lydgate est fatigué, dit Will qui comprenait mieux Lydgate que ne faisait Rosemonde et ne s’offensait pas de ses manières froides, devinant facilement des causes extérieures à sa préoccupation.

— C’est une raison de plus pour ne pas vous en aller, insista Rosemonde de son ton le plus léger. Il ne parlera pas de toute la soirée.

— Si, Rosemonde, je parlerai, dit Lydgate de sa voix forte et profonde. J’ai à vous parler sérieusement.

Ce n’était pas du tout l’entrée en matière sur laquelle Lydgate avait compté mais les manières indifférentes de Rosemonde l’avaient poussé à bout.

— Là ! Vous voyez, dit Will. Je vais à cette réunion de la Société de mécanique. Adieu.

Et il se hâta de sortir.

Rosemonde, sans regarder son mari, se leva et vint prendre sa place devant le plateau à thé. Elle songeait qu’elle ne l’avait jamais vu si désagréable. Lydgate tourna vers elle ses yeux noirs et l’observa, tandis qu’elle maniait délicatement les tasses de ses doigts effilés, regardant les objets qui étaient immédiatement devant elle, sans qu’une ligne de son visage s’altérât, mais protestant par une ineffable expression de physionomie contre tous les gens aux manières désagréables. Pour un moment, Lydgate oublia le mal aigu de sa blessure dans une soudaine contemplation de cette nouvelle forme d’impassibilité féminine, se révélant à lui dans cette enveloppe de sylphe qu’il avait jadis interprétée comme le signe d’une prompte et intelligente sensibilité. Se