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Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/207

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Will lorsqu’il lui avait parlé de mistress Casaubon, il se montra d’autant plus circonspect. Enfin de compte, ses suppositions, ajoutées à ce qu’il savait, augmentèrent son amitié et son indulgence pour Ladislaw, et lui firent comprendre ce qui le retenait à Middlemarch après avoir annoncé son départ. Il n’avait éprouvé aucun désir de parler de ce sujet à Rosemonde ; en réalité, il ne se fiait pas beaucoup à sa discrétion vis-à-vis de Ladislaw ; et en cela il ne se trompait pas, sans comprendre du tout d’ailleurs les raisons qui la faisaient parler.

Lorsqu’elle répéta à Lydgate ce qu’elle avait appris par Fred, il lui dit :

— Prenez garde de laisser échapper la plus légère allusion devant Ladislaw, Rosy. Il est de nature à s’emporter comme si vous l’insultiez. C’est certainement une situation pénible.

Rosemonde détourna la tête et arrangea ses cheveux de l’air le plus indifférent et le plus placide. Mais la première fois que Will arriva chez elle, en l’absence de Lydgate, elle le plaisanta avec malice de ce qu’il n’était pas allé à Londres comme il les en avait menacés.

— Je sais tout, j’ai un petit oiseau qui me fait ses confidences, dit-elle en donnant de charmantes petites attitudes à sa tête penchée sur l’ouvrage que tenaient ses doigts agiles. Il y a un aimant puissant, dans le voisinage.

— Il y en a un, certainement ; personne ne le sait mieux que vous, dit Will avec une pointe de plaisanterie, mais sentant l’irritation le gagner.

— C’est vraiment le plus joli roman du monde : M. Casaubon jaloux, prévoyant que mistress Casaubon eût préféré à tous les autres épouseurs un certain gentleman, et que ce même gentleman eût eu de son côté le plus vif désir d’épouser mistress Casaubon, et faisant un plan pour empêcher tout cela, en lui confisquant sa fortune si elle épousait le jeune