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Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/213

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appartenant à notre temps, à notre époque, ne saurait guère être conçu par l’intelligence humaine : par des anges, peut-être, mais point par des hommes, messieurs, point par des hommes.

— Et de qui est le portrait ? demanda M. Powderell vivement impressionné.

— Quand il a exécuté ce tableau, le maître ne signait pas encore, monsieur Powderell, le peintre n’est pas connu, répondit M. Trumbull dont la respiration était devenue légèrement haletante sur ces derniers mots, après quoi il contracta les lèvres et regarda d’un œil fixe tout autour de lui.

Puis vinrent deux gravures hollandaises, objet des convoitises de M. Toller, et qui lui furent adjugées. On vendit encore d’autres gravures, puis quelques tableaux, et il commença à se faire un mouvement plus actif d’entrées et de sorties dans l’assistance : les uns, ayant acheté ce qu’ils voulaient, s’en allaient ; d’autres arrivaient pour la première fois sur les lieux, ou revenaient d’une visite passagère aux rafraîchissements préparés au milieu de la pelouse sous un kiosque.

M. Bambridge avait envie d’acheter ce kiosque et il semblait prendre plaisir à en visiter fréquemment l’intérieur, comme par un avant-goût de la possession. La dernière fois qu’il en revint, on remarqua qu’il amenait avec lui un nouveau compagnon, étranger à M. Trumbull et au reste du public, mais dont l’extérieur faisait cependant supposer qu’il était parent du maquignon et comme lui « adonné aux plaisirs ». Ses grands favoris, son air d’imposante crânerie, et sa manière de lancer la jambe, en faisaient un personnage frappant, mais son costume noir passablement usé aux coutures amenait cette conclusion fâcheuse qu’il ne devait pas pouvoir s’accorder autant de plaisirs qu’il l’eût souhaité.