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Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/230

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lui une conscience du bien et du mal, il se demandait par quels moyens il pourrait retrouver la paix et la confiance, par quels sacrifices il pourrait arrêter la verge du châtiment. Dans ces instants de terreur, sa conviction était que, s’il faisait spontanément quelque bonne action, Dieu lui épargnerait les conséquences de ses actions mauvaises.

Il avait vu Raffles s’en aller pour tout de bon sur la diligence de Brassing, et c’était un soulagement momentané. Ce départ éloignait l’oppression d’une terreur immédiate, mais ne mettait pas fin à la lutte intérieure de l’âme ni au besoin de s’assurer une sauvegarde. Il prit enfin une résolution pénible et écrivit à Will Ladislaw, le priant de se trouver « Aux Bosquets » ce même soir à neuf heures pour une entrevue particulière. Will n’avait pas été autrement surpris de recevoir cette missive qu’il rattachait à quelques nouveaux projets concernant le Pionnier. Mais, à son entrée dans le cabinet de M. Bulstrode, il fut frappé de l’expression de douloureuse fatigue qui se lisait sur le visage du banquier et il allait lui dire : « Êtes-vous malade ? » quand, s’arrêtant dans son premier mouvement, il s’informa seulement de mistress Bulstrode, demandant si elle était satisfaite du tableau acheté pour elle.

— Merci, elle est très satisfaite. Elle est sortie avec ses filles ce soir. Je vous ai prié de venir, monsieur Ladislaw, parce que je désire vous faire une communication très intime, je dirai même dont la nature confidentielle doit vous être sacrée. Je présume que rien n’a jamais été plus loin de votre esprit que d’imaginer qu’il y avait eu dans le passé des liens qui rattachassent votre histoire à la mienne.

Will éprouva quelque chose comme un choc électrique. Il était déjà dans un état de sensibilité aiguë et d’agitation à peine apaisée, au sujet de certains liens du passé, et ses pressentiments ne furent pas d’une nature agréable. Tout cela ressemblait aux fluctuations d’un rêve, comme si l’action