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Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/232

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— Je ne veux rien alléguer contre elle. Vous a-t-elle jamais, à aucun propos, parlé de sa mère ?

— Je lui ai entendu dire que sa mère ignorait sans doute la raison de sa fuite. Elle disait « Pauvre mère ! » d’un ton de pitié.

— Cette mère est devenue ma femme, dit Bulstrode. Puis il s’arrêta un moment avant de continuer : — Vous avez un droit sur moi, monsieur Ladislaw, comme je le disais tout à l’heure, non un droit légal, mais un droit que ma conscience reconnaît. Je me suis enrichi par ce mariage, résultat qui n’aurait certainement pas été atteint, certainement pas à ce degré, si votre grand’mère avait retrouvé sa fille. Cette fille, à ce qu’il paraît, n’est plus en vie !

— Non, dit Will, sentant le soupçon et la répugnance s’éveiller si fortement en lui que, sans savoir au juste ce qu’il faisait, il prit son chapeau qu’il avait posé à terre et se leva.

L’impulsion de son cœur était de repousser ce lien qui venait de lui être révélé.

— Asseyez-vous, je vous prie, monsieur Ladislaw. Vous êtes saisi, sans doute, de la soudaineté de cette découverte. Mais j’implore votre patience pour un homme déjà courbé sous le poids de l’épreuve.

Will reprit sa place, éprouvant une pitié mêlée de mépris pour cette volontaire humiliation d’un homme d’âge.

— Mon intention est, monsieur Ladislaw, de réparer le tort qui a été fait à votre mère. Je sais que vous êtes sans fortune, et je désire vous faire jouir, dans une juste proportion, d’un bien qui vous appartiendrait sans doute déjà entièrement, si votre grand’mère avait été certaine de l’existence de votre mère, et si elle avait pu la retrouver.

M. Bulstrode se tut. Il sentait qu’il accomplissait une œuvre remarquable de conscience scrupuleuse dans le juge-