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Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/249

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regards ou des lèvres de personne. Il avait agi de façon à délier le reproche et à rendre l’étonnement respectueux.

À la contempler alors, il était facile de deviner en elle une pensée qui la soutenait. Dorothée inscrivit quelques notes sur son carnet, adressa ses dernières recommandations à la femme de charge d’un ton joyeux, et quand elle s’assit dans sa voiture, elle avait les yeux brillants et les joues éclatantes sous son triste chapeau de deuil. Elle rejeta en arrière ses lourdes « pleureuses » de crêpe, et regarda devant elle, se demandant quel chemin avait pris Will. Il était dans sa nature d’être fière de le savoir exempt de blâme, et la pensée qu’elle avait raison de le défendre se mêlait à tous ses sentiments.

Le cocher avait l’habitude de mener ses chevaux d’une bonne allure ; M. Casaubon ne jouissait de rien et s’impatientait de tout quand il n’était pas devant sa table de travail, n’aspirant qu’à arriver au terme de ses courses ; aussi Dorothée était-elle emportée rapidement sur la route. La promenade en voiture était agréable, la pluie tombée pendant la nuit avait fait disparaître la poussière, et le ciel bleu se montrait au loin, en dehors de la région des gros nuages qui voguaient par lourdes masses à travers l’atmosphère. La terre semblait un heureux séjour sous de vastes cieux, et Dorothée souhaitait de rencontrer Will pour le voir encore une fois.

Au tournant d’une route elle l’aperçut, son portefeuille sous le bras ; un instant après, elle passait à côté de lui, il leva son chapeau, et elle ressentit un triste serrement de cœur d’être assise là dans une sorte d’exaltation de ses pensées, en l’abandonnant derrière elle. Elle ne pouvait se retourner pour le regarder encore. C’était comme si une masse d’objets indifférents s’étaient jetés entre eux pour les séparer, les forçant à suivre des voies différentes, les pous-