Aller au contenu

Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/304

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la tentation de parier et un philistin qui a fait de même dans les mêmes circonstances, il n’y a guère de différence que dans les réflexions qui viennent après coup, et Lydgate eut à ruminer de cette façon une fort désagréable pâture. Son imagination lui montrait comment, par le seul fait d’un simple changement de scène, son aventure eût pu grandir jusqu’à faire de lui un homme ruiné ; il eût suffi, au lieu d’aller au Dragon Vert, d’entrer dans une maison de jeu, là ou l’on pouvait saisir la chance à deux mains au lieu de l’attraper seulement avec le pouce et l’index. Et cependant, alors que la raison étouffait en lui toute envie de jouer, il conservait le sentiment qu’avec la certitude d’une certaine dose de chance, il aurait encore mieux aimé jouer que de prendre le parti qui commençait à s’imposer à lui comme inévitable.

Ce parti était de s’adresser à M. Bulstrode. Lydgate s’était vanté souvent aux autres et à lui-même d’être absolument indépendant de Bulstrode, de ne s’être prêté à ses plans que lorsqu’ils lui permettaient de mettre ses propres idées à exécution ; son orgueil s’était trouvé constamment soutenu, dans leurs rapports personnels, par la pensée qu’il faisait socialement un bon emploi de ce banquier puissant des opinions duquel il ne faisait aucun cas, et dont les motifs lui paraissaient souvent un mélange absurde d’impressions contradictoires ; aussi l’idée d’adresser jamais pour son compte une demande importante à Bulstrode eût-elle rencontré au dedans de lui des obstacles presque insurmontables.

Cependant, au commencement de mars, ses affaires en étaient venues à cette extrémité où l’on commence à reconnaître qu’on a prononcé ses serments dans l’ignorance, et à s’apercevoir qu’on peut commettre tel acte jugé jusque-là impossible à accomplir. Sous le coup de la terrible caution de Dover, qui ne tarderait pas à produire ses effets, voyant