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Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/336

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CHAPITRE V


La première chose que fit Bulstrode après le départ de Lydgate, ce fut d’inspecter les poches de Raffles ; il ne doutait pas d’y trouver, sous forme de notes d’hôtel, des indications sur les différents lieux où il avait dû s’arrêter, de manière à pouvoir contrôler son affirmation qu’il était venu tout droit de Liverpool, parce qu’il était malade et sans argent. Bulstrode trouva en effet plusieurs notes entassées dans son portefeuille, mais les plus récentes étaient bien toutes de Liverpool, à l’exception d’une seule portant la date du jour même ; celle-ci était roulée et chiffonnée dans l’une de ses poches de derrière, avec une affiche de la foire aux chevaux de Bilkley ; c’était le compte de sa dépense pour les trois jours qu’il avait passes à l’auberge de Bilkley, ville située à quarante milles au moins de Middlemarch. La note était grosse, et Raffles étant arrivé sans bagage, il paraissait probable qu’il avait laissé derrière lui sa valise en payement, afin de garder de l’argent pour la route ; car sa bourse était vide, il n’avait que quelques pence éparpillés dans ses poches.

Ces indices, que Raffles était réellement resté éloigné de Middlemarch depuis sa mémorable visite de Noël, rendirent à Bulstrode quelque sécurité. Dans un endroit lointain, au milieu de gens étrangers à Bulstrode, quelle satisfaction eût pu trouver l’humeur agressive et vantarde de Raffles à raconter de vieilles histoires scandaleuses sur un banquier de Middlemarch ? et quel mal y aurait-il, même s’il avait parlé ? L’essentiel maintenant était de le bien surveiller, aussi longtemps qu’on pouvait craindre ces divagations