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Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/370

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donna son bras à Bulstrode et le conduisit ainsi hors de la salle ; mais cet acte, qui eût pu être un devoir facile et de pure compassion, lui fut en ce moment inexprimablement amer. Il lui semblait qu’il apposait sa signature à cette association de sa personne avec Bulstrode, dont il voyait maintenant toute la signification, telle qu’elle avait dû se présenter à l’esprit des autres. Il eut la conviction que cet homme, qui s’appuyait en chancelant sur son bras, ne lui avait donné les mille livres que pour acheter son silence, et que de façon ou d’autre on était intervenu dans le traitement de Raffles pour un vilain motif. Les conclusions s’enchaînaient d’assez près. La ville connaissait le prêt d’argent, y voyait un marché et croyait qu’il l’acceptait comme un marché.

Le pauvre Lydgate, tandis que son cœur battait sous la terrible étreinte de cette révélation, n’en était pas moins moralement tenu de reconduire M. Bulstrode à la banque, d’envoyer chercher sa voiture et d’en attendre l’arrivée pour le ramener chez lui.

Cependant on en avait fini avec la question du meeting pour se jeter, parmi les différents groupes, dans des discussions animées sur cette affaire de Bulstrode et de Lydgate.

M. Brooke, qui n’avait d’abord saisi que des allusions imparfaites et se trouvait fort mal à l’aise « d’avoir été un peu trop loin en appuyant Bulstrode », se fit mettre au courant des choses et ressentit une certaine tristesse charitable, en causant avec M. Farebrother, du jour fâcheux sous lequel on en était venu à considérer Lydgate. M. Farebrother allait s’en retourner à pied à Lowick.

— Montez dans ma voiture, dit M. Brooke. Je fais un détour pour voir mistress Casaubon. Elle devait rentrer du Yorkshire hier au soir. Elle aura plaisir à me voir, vous savez.

Ils firent route ainsi, M. Brooke bavardant, exprimant