Aller au contenu

Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/410

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vie que ces quelques paroles de bonté de la part d’une femme fussent tant pour lui.

— Je vous supplie de me dire comment tout cela est arrivé, reprit Dorothée sans crainte. Je suis sûre que la vérité vous justifierait, si on la connaissait.

Lydgate se leva brusquement de sa chaise et alla vers la fenêtre, oubliant où il se trouvait. Il avait si souvent réfléchi en vain à la possibilité de tout expliquer sans aggraver des apparences peut-être injustement défavorables à Bulstrode, et si souvent il s’était décidé à ne pas parler, il s’était si souvent répété que ses assertions ne changeraient pas les impressions d’autrui, que les paroles de Dorothée résonnèrent à son oreille comme pour le tenter de faire ce que de sang-froid il avait condamné.

— Dites-moi tout, je vous en prie, insista Dorothée. Nous pourrons alors nous consulter ensemble. Ce n’est pas bien de laisser les autres penser injustement du mal de quelqu’un quand on pourrait l’empêcher.

Lydgate se retourna, se rappelant où il était, et vit la figure de Dorothée qui le regardait avec une gravité douce et confiante. La présence d’une nature élevée, généreuse dans ses désirs, ardente dans sa charité, change pour nous la lumière. Nous recommençons à voir les choses dans leur ensemble plus vaste et plus calme, et à croire que, nous aussi, on pourra nous voir et nous juger dans la plénitude de notre caractère. Cette influence commença à agir sur Lydgate qui depuis bien des jours considérait la vie comme un effort incessant et acharné au milieu de la foule. Il revint s’asseoir, retrouvant, en présence de quelqu’un qui croyait en lui, la libre possession de lui-même.

— Je ne voudrais pas, dit-il, charger Bulstrode dont j’ai reçu de l’argent qui m’était nécessaire, et que j’aimerais mieux maintenant ne pas avoir reçu. Bulstrode est accablé et malheureux, et sa santé est compromise. Mais j’aimerais