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Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/416

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été à blâmer au jugement de personne qu’au vôtre. Je lui dirais que tous les esprits équitables vous rendront justice. Je réjouirais son cœur. Voulez-vous lui demander si je puis aller la voir ? Déjà une fois, je l’ai vue.

— Certainement, vous le pouvez. Elle se sentirait honorée, ranimée, j’en suis sûr, par la preuve que vous au moins avez pour moi quelque estime. Je ne lui parlerai pas de votre visite afin qu’elle ne la rattache en aucune façon à mes désirs. Je sais fort bien que je n’aurais pas dû lui laisser tout apprendre par d’autres. Mais…

Il s’arrêta et il y eut un instant de silence. Dorothée se retenait de dire ce qui était dans sa pensée, à quel point elle savait quelles insaisissables barrières peuvent s’élever entre un mari et une femme pour les empêcher de parler. C’était un point où la sympathie elle-même eût pu faire une blessure. Elle en revint au côté plus extérieur de la situation de Lydgate en reprenant gaiement :

— Et si mistress Lydgate savait qu’il y a des amis prêts à croire en vous et à vous appuyer, peut-être alors serait-elle contente que vous restiez où vous êtes, que vous retrouviez vos espérances et que vous réalisiez vos projets. Peut-être alors verriez-vous qu’il était sage de conserver, comme je vous le proposais, vos fonctions à l’hôpital. Il est même certain que vous les conserveriez si vous aviez encore foi dans les services que votre science y peut rendre.

Lydgate ne répondit pas, et elle vit qu’il délibérait avec lui-même.

— Il n’est pas nécessaire de vous décider tout de suite, dit-elle doucement. Dans quelques jours il sera assez tôt pour envoyer une réponse à M. Bulstrode.

Lydgate attendit encore, puis enfin il se retourna, et de son ton le plus décisif :

— Non, dit-il, je préfère ne pas laisser de délai à l’hésitation. Je ne suis plus assez sûr de moi, je veux dire de ce