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Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/418

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mettant les choses au mieux, de gagner de quoi vivre ici, et il est facile dans un endroit nouveau d’apporter certaines réformes nécessaires. Il me faudra faire ce que font tant d’autres, songer à plaire et à réussir, chercher une petite ouverture dans la grande foule de Londres et me pousser moi-même ; m’établir dans une ville d’eaux ou dans quelque ville du Midi où il y a beaucoup d’Anglais oisifs, et me faire mousser. C’est dans une coquille de cette espèce que je dois entrer et qu’il me faudra tâcher de conserver mon âme vivante.

— Eh bien ! ce n’est pas courageux, fit Dorothée, de renoncer à la lutte.

— Non, ce n’est pas courageux, fit Lydgate. Mais quand un homme redoute les approches de la paralysie ?

Puis, d’un autre ton :

— Cependant vous avez apporté un grand changement dans mon courage en croyant en moi. Tout me semble plus supportable depuis que je vous ai parlé et si vous parvenez à me justifier auprès de quelques autres, et surtout dans l’esprit de Farebrother, je vous serai profondément reconnaissant. Je désire seulement que vous laissiez de côté le fait de la désobéissance à mes ordres. Il serait bientôt dénaturé. Après tout, il n’y a pas d’autre évidence en ma faveur que l’opinion qu’on avait de moi auparavant.

— M. Farebrother me croira, et d’autres me croiront, répondit Dorothée. Ce que j’ai à dire de vous rendra stupide la supposition que vous ayez pu être payé pour commettre une infamie.

— Je ne sais pas, dit Lydgate d’une voix au fond de laquelle il y avait comme un gémissement. Je n’ai pas accepté d’argent dans un marché de corruption. Mais il y a un pâle reflet de la corruption qu’on appelle quelquefois la chance. Vous aurez donc pour moi une autre grande bonté encore, et vous viendrez voir ma femme ?

— Oui, j’irai ; je me rappelle combien elle est jolie, dit