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Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/436

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le plus noir de toute l’affaire. La dernière version doit être, j’imagine, que j’avais comploté avec Raffles d’assassiner Bulstrode, et que c’est pour cela que je me suis enfui de Middlemarch.

Il pensait : « Voilà qui va faire sonner mon nom aux oreilles de Dorothée d’une manière plus recommandable encore ; mais qu’importe maintenant ? » Il ne parla pas des offres que lui avait faites Bulstrode. Will était plein de franchise et d’insouciance pour tout ce qui touchait à ses affaires personnelles ; mais parmi les traits les plus exquis que la nature en le façonnant avait imprimés en lui, il était doué d’une généreuse délicatesse qui l’avertit d’user de réserve sur ce point. Il reculait devant l’idée de dire qu’il avait rejeté l’argent de Bulstrode, alors qu’il apprenait que le malheur de Lydgate était de l’avoir accepté.

Lydgate se montra également réservé dans ses confidences. Il ne fit pas d’allusion aux sentiments que Rosemonde avait manifestés sous le coup de leur malheur.

— Mistress Casaubon est la seule personne, dit-il, qui soit venue à moi et m’ait dit qu’elle ne croyait à aucun des soupçons dirigés contre ma personne.

Puis, remarquant un changement dans le visage de Will, il évita toute autre allusion à Dorothée. Il était trop ignorant des rapports qui existaient entre eux, pour ne pas craindre que ses paroles pussent à son insu y avoir trait de quelque façon pénible. Et l’idée lui vint que Dorothée était la véritable cause de sa présence à Middlemarch.

Ces deux hommes se plaignaient mutuellement, mais Will seul pouvait deviner toute l’étendue de la souffrance de son ami. Quand Lydgate lui parla avec une résignation désespérée d’aller s’établir à Londres, ajoutant avec un faible sourire : « Nous nous y retrouverons, mon vieux camarade », Will se sentit inexprimablement triste et ne répondit rien. Rosemonde l’avait supplié le matin même de