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Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/445

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c’est vous avec votre simple ruche, voilà ce qui sied pour une seconde année, c’est du moins ma manière de voir, conclut Tantripp regardant le feu avec attention, et si quelqu’un, en m’épousant, pouvait se flatter que je porterais pour lui ces hideuses pleureuses pendant deux ans, il serait la dupe de sa propre vanité, voilà tout.

— Le feu ira comme cela, ma bonne Tan, dit Dorothée, parlant comme elle faisait autrefois au temps où elles étaient ensemble à Lausanne, mais d’une voix très basse. Apportez-moi mon café.

Elle s’assit dans le grand fauteuil où elle appuya sa tête d’un air lassé mais tranquille, tandis que Tantripp en s’éloignant s’étonnait de cette étrange contradiction chez sa jeune maîtresse qui, tout juste le matin où son visage ressemblait plus qu’aucun autre jour au visage d’une veuve, demandait la toilette d’un deuil moins austère qu’elle avait refusée jusque-là. Tantripp n’aurait jamais trouvé la clef de ce mystère. Ce que Dorothée voulait marquer ainsi, c’est que, pour avoir enseveli un bonheur secret, elle n’en avait pas moins une vie active devant elle ; elle avait l’esprit hanté par cette tradition, que des vêtements neufs conviennent à toute initiation ; et elle saisit jusqu’à ce léger secours extérieur pour tâcher de s’affermir dans sa calme résolution. À onze heures, elle partait à pied pour Middlemarch, décidée à faire aussi tranquillement et discrètement que possible sa seconde tentative pour voir et pour sauver Rosemonde.