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Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/451

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toute l’histoire. Il m’a avoué qu’il ne l’avait jamais racontée à personne, pas même à vous, parce qu’il lui répugnait de dire : « Je n’étala pas coupable », comme si c’était une preuve suffisante quand il y a des coupables qui tiennent le même langage. La vérité est qu’il ne savait rien de cet homme, de ce Raffles, ni qu’il y avait de vilains secrets sur son compte, et il a cru que, si M. Bulstrode lui offrait de l’argent, c’était parce qu’il se repentait, dans sa bonté, de le lui avoir refusé auparavant. Toute sa préoccupation, à propos de son malade, était de le bien traiter, et il a été un peu ennuyé de voir le cas se terminer autrement qu’il ne s’y attendait ; mais il a pensé alors, et il pense encore, qu’il peut ne pas y avoir de faute de la part d’un autre. Et j’ai répété cela à M. Farebrother, à M. Brooke, à sir James Chettam : ils croient tous en votre mari. Cela vous remontera, n’est-il pas vrai ? Cela vous donnera du courage ?

Le visage de Dorothée s’était animé, et comme il rayonnait sur Rosemonde, assise tout près d’elle, celle-ci, en présence de cette ardeur oublieuse de soi-même, éprouva quelque chose comme une timidité modeste devant un être supérieur. Elle dit avec embarras et en rougissant :

— Merci, vous êtes très bonne.

— Et il sentait combien il avait eu tort de ne pas s’ouvrir à vous de tout cela ! Mais vous lui pardonnerez. C’est qu’il s’inquiète plus de votre bonheur que de toute autre chose, il sent que sa vie est liée et n’en forme qu’une avec la vôtre, et ce qui le fait souffrir plus que tout, c’est de penser que ses malheurs à lui doivent vous faire souffrir. Il a pu me parler parce que j’étais une personne étrangère. Et alors je lui ai demandé si je pourrais venir vous voir, moi qui partageais tant ses soucis et les vôtres. Voilà pourquoi j’étais venue hier et pourquoi je suis venue aujourd’hui. La peine est si dure à supporter, n’est-ce pas ? Comment pouvons-nous vivre en pensant que quelqu’un a des soucis, des