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Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/491

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Les repas de M. Garth étaient toujours subordonnés aux « affaires ».

— Oh oui, un bon dîner, du mouton froid et je ne sais quoi encore ; où est Mary ?

— Dans le jardin, avec Letty, je crois.

— Fred n’est pas encore venu ?

— Non. Allez-vous ressortir sans prendre de thé, Caleb ? dit mistress Garth, voyant que son mari dans sa distraction remettait son chapeau.

— Non, non, je vais seulement voir un instant Mary.

Mary était dans un coin herbeux du jardin où se trouvait une balançoire suspendue entre deux poiriers. Elle avait noué sur sa tête un fichu rose dont la pointe abritait ses yeux des rayons du soleil déclinant, et elle imprimait de vigoureux élans à Letty qui riait et criait de toute sa force.

En voyant son père, Mary quitta la balançoire et alla à sa rencontre, rejetant en arrière son fichu rose et lui souriant de loin avec le bon sourire de la tendresse heureuse.

— Je suis venu vous trouver, Mary, dit M. Garth. Faisons quelques pas ensemble.

Mary vit tout de suite que son père avait quelque chose de particulier à lui dire : ses sourcils formaient cet angle profond qu’elle connaissait bien et il y avait une tendre gravité dans sa voix. Elle n’avait pas l’âge de Letty que déjà elle avait observé la signification de ces indices. Elle passa le bras de son père dans le sien et ils tournèrent par l’allée des noyers.

— Il va s’écouler un assez triste temps avant l’époque probable de votre mariage, Mary, commença son père, sans la regarder, les yeux sur le bout de sa canne.

— Pourquoi triste, père ? J’ai l’intention d’être gaie, dit Mary en riant. J’ai été fille et gaie pendant vingt-quatre ans et plus ; je suppose que cela ne sera pas tout à fait aussi long maintenant. Puis, après une courte pause, elle ajouta