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Page:Emery - Douces amies, 1920.djvu/18

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DOUCES AMIES

de la vie !… Il faut être très audacieux, aujourd’hui, pour proclamer sa piété amoureuse : les fous et les coquins qui glorifient la haine, nous accusent d’outrager la morale et la vertu ; ils nous lapident d’injures, de sarcasmes ignobles : nous sommes, pour ces faux-sages, des dévergondés, des débauchés, des monstres anormaux, des phallus a deux pattes… »

Comme je souriais, mon interlocuteur se leva. Érigé devant moi, les bras tendus, et la tête vers le ciel, illuminé soudain par les flammes solaires qui perçaient les feuillages, il avait, à cette heure, l’apparence d’un Christ douloureux et triomphant ! Sa voix lente, harmonieuse, prononçait des versets d’éternel Évangile :

« Femmes, soyez bénies, pour toute la douleur et toute la joie que vous nous donnez !…

« Cueillez nos cœurs dans nos poitrines. Foulez-les sous vos pieds, que vos mains les déchirent et que vos dents les mordent !… Qu’ils saignent, qu’ils pantèlent !

« Soyez impitoyables, suppliciez, torturez ; meurtrissez-les nos cœurs, et broyez-les sans cesse, pour en faire jaillir l’amour pur, infini !

« Guidez-nous, à travers les ronces des Golgothas ; après l’angoisse et l’agonie, donnez-nous la résurrection du baiser. Dans les chemins d’abîmes, de gouffres et d’épines, au-