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Page:Emery - Douces amies, 1920.djvu/247

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DOUCES AMIES

qu’à baiser le bout de ses doigts, un coin de sa nuque, les ondes de ses cheveux ?

Il a fallu pour cela toute l’exaspération, tout le trouble jetés dans mon esprit et dans mon cœur par la lâcheté et l’ignominie d’une lettre anonyme.

« Savez-vous, me disait cette lettre, que vous êtes la risée et le jouet de tous ceux qui vous connaissent ? Est-il possible qu’un homme de votre âge soit atteint, à un tel degré, d’impuissance et de gâtisme ? Vous entretenez une petite grue, vous vous ruinez pour elle, et vous n’êtes pas même un de ses amants. Elle couche avec le premier venu, elle a un amant de cœur : quel rôle jouez-vous dans cette comédie ? Je suis un de vos amis, j’ai de l’estime et de la sympathie pour le nom que vous portez et qu’on galvaude malproprement. L’avant-dernière nuit, chez Maxim’s, à deux heures de la nuit, Riquette soupait avec quelques petits journalistes : Jean de la Mandoline, Louis de Pique-Assiette, Gaston d’Empoigne, et elle était grise, — cela lui arrive souvent. Elle se mit nue sur la table, dans une gerbe de fleurs, et se laissa ensuite aimer, cyniquement, devant la bande, par un de ses compagnons. Quelqu’un s’avisa de dire alors : « Et ton vieux, crois-tu qu’il ferait un nez, s’il entrait ? — Mon vieux, répondit Riquette, je