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Page:Emery - Douces amies, 1920.djvu/302

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DOUCES AMIES

après avoir longtemps refusé, sous de futiles prétextes, brusquement elle se jeta sur le lit, hargneuse, maussade, m’ordonnant :

— Dépêche-toi !

En mon abrutissement, au lieu de parler en maître, ou de rompre, je m’enlise dans la vase sale et épaisse des mauvaises raisons, — comme si l’on pouvait raisonner sainement dans l’état où je suis.

Oui, je crois être bon, je crois être sage, je crois être supérieur aux autres hommes. Je me dresse un petit autel, je m’encense, comme un petit bon Dieu.

Je m’illusionne ainsi :

Mon amour n’est pas une passion commune, un instinct grossier, mais une tendresse hautaine et sacrée. J’aime Riquette non pas en homme, en égoïste, qui veut aussi être aimé. L’aimant de cette affection désintéressée, mon seul bonheur, c’est de voir l’amie heureuse, satisfaite même en ses appétits et en ses instincts, prenant sa joie où elle la trouve ! Je sacrifie à sa félicité jusqu’à ma jalousie, je souffre, je subis le martyre, par excès sublime et magnifique d’aimer !

Je me crois un Dieu, au moins un ange…

En réalité, je ne suis qu’un cochon.

Oui, la vérité vraie et exacte, c’est que je tolère