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Page:Emery - Douces amies, 1920.djvu/317

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DOUCES AMIES

à sangloter. Très douce, très affectueuse, la petite murmura : « Tu as de la peine, je serai gentille, je te consolerai ; moi aussi, me confessa-t-elle, je suis bien triste. J’ai été abandonnée par mon amant, mon premier, que j’aimais à l’adoration. Il m’a quittée pour épouser une fille riche et laide ; il m’a laissée sans le sou. Je n’ai pas eu le courage de me tuer. C’est pourquoi je fais ce sale métier… »

Ayant demandé du champagne, elle se grisa et me fit boire. Et peu à peu, avec ma raison, ma tristesse s’effaça. Et le reste de la nuit, ma compagne et moi, nous eûmes du plaisir. Nous étions enragés ; et comme de jeunes amants qui s’adorent, jusqu’au jour nous avons aimé…

Mais, l’ivresse passée, au réveil, nous nous sommes séparés bêtement, indifférents, fourbus.

Cette aventure, pourtant, a mis en moi un peu d’apaisement…

Je pense maintenant que si les hasards hostiles ne veulent pas que je retrouve Riquette, mon désespoir peu à peu s’atténuera dans les fumées bienfaisantes du champagne et de ses illusions…

L’illusion ! Si nous savions la cultiver, qui sait si elle ne vaudrait pas la réalité ?…

Je n’ai pas connu d’homme plus heureux que Raoul Vernier, un bon vieil ami du cercle, qui