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POT-BOUILLE

Berthe, maintenant, très calme, riait de nouveau, tandis qu’Hortense regardait Auguste de son air rêche de fille diplômée ; et, dans leur triomphe, reparaissaient les leçons de la mère, le mépris affiché de l’homme. Tous les invités avaient envahi le salon, se mêlant aux dames, haussant la voix. M. Josserand, le cœur troublé par l’aventure de Berthe, s’était rapproché de sa femme. Il l’écoutait avec un malaise remercier madame Dambreville des bontés dont elle accablait leur fils Léon, qu’elle changeait à son avantage, positivement. Mais ce malaise augmenta, lorsqu’il l’entendit revenir à ses filles. Elle affectait de causer bas avec madame Juzeur, tout en parlant pour Valérie et pour Clotilde, debout près d’elle.

— Mon Dieu, oui ! son oncle nous l’écrivait encore aujourd’hui : Berthe aura cinquante mille francs. Ce n’est pas beaucoup sans doute, mais quand l’argent est là, et solide !

Ce mensonge le révoltait. Il ne put s’empêcher de lui toucher furtivement l’épaule. Elle le regarda, le força à baisser les yeux, devant l’expression résolue de son visage. Puis, comme madame Duveyrier s’était tournée, plus aimable, elle lui demanda avec intérêt des nouvelles de son père.

— Oh ! papa doit être allé se coucher, répondit la jeune femme, tout à fait gagnée. Il travaille tant !

M. Josserand dit qu’en effet M. Vabre s’était retiré, pour avoir les idées nettes le lendemain. Et il balbutiait : un esprit bien remarquable, des facultés extraordinaires ; en se demandant où il prendrait cette dot, et quelle figure il ferait, le jour du contrat.

Mais un grand bruit de chaises remuées emplissait le salon. Les dames passaient dans la salle à manger, où le thé se trouvait servi. Madame Josserand, victorieuse, s’y rendit, entourée de ses filles et de la