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POT-BOUILLE

— Ah ! c’est vous, mademoiselle.

— Mon Dieu ! oui, mademoiselle. Je tâche de m’installer, mais cette cuisine est si dégoûtante !

Puis, arrivèrent les renseignements abominables.

— Vous aurez de la constance, si vous y restez. La dernière avait les bras tout griffés par l’enfant, et madame la faisait tellement tourner en bourrique, que nous l’entendions pleurer d’ici.

— Ah bien ! ça ne traînera pas, dit Françoise. Je vous remercie toujours, mademoiselle.

— Où donc est-elle, votre bourgeoise ? demanda curieusement Victoire.

— Elle vient de partir déjeuner chez une dame.

Lisa et Julie se démanchèrent le cou, pour échanger un regard. Elles la connaissaient, la dame. Un drôle de déjeuner, la tête en bas et les jambes en l’air ! Si c’était permis, d’être menteuse à ce point ! Elles ne plaignaient pas le mari, car il en méritait davantage ; seulement, ça faisait honte à l’espèce humaine, qu’une femme ne se conduisît pas mieux.

— Voilà Torchon ! interrompit Lisa, en découvrant la bonne des Josserand, au-dessus d’elle.

Alors, à plein gosier, une volée de gros mots s’échappa de ce trou, obscur et empesté comme un puisard. Toutes, la face levée, interpellaient violemment Adèle, qui était leur souffre-douleur, la bête sale et gauche sur laquelle la maison entière tapait.

— Tiens ! elle s’est lavée, ça se voit !

— Tâche encore de jeter tes vidures de poisson dans la cour, que je monte te débarbouiller avec !

— Eh ! va donc manger le bon Dieu, fille à curé !… Vous savez, elle en garde dans ses dents pour se nourrir toute la semaine.

Ahurie, Adèle les regardait d’en haut, le corps à demi sorti de la fenêtre. Elle finit par répondre :