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POT-BOUILLE

Le logement avait une douceur qui sentait un peu le renfermé : des tapis et des portières partout, des meubles d’une mollesse d’édredon, l’air tiède et mort d’un coffret, capitonné de vieux satin à l’iris. Dans le salon, où les doubles rideaux mettaient un recueillement de sacristie, Octave dut s’asseoir sur un canapé, large et très bas.

— Voici la dentelle, reprit madame Juzeur, en reparaissant avec une boîte de santal, pleine de chiffons. Je veux en faire cadeau à quelqu’un et je suis curieuse d’en connaître la valeur.

C’était un bout d’ancien point d’Angleterre, très beau. Octave l’examina en connaisseur, finit par l’estimer trois cents francs. Puis, sans attendre davantage, comme leurs mains à tous deux maniaient la dentelle, il se pencha et lui baisa les doigts, des doigts menus de petite fille.

— Oh ! monsieur Octave, à mon âge, vous n’y pensez pas ! murmura joliment madame Juzeur, sans se fâcher.

Elle avait trente-deux ans, se disait très vieille. Et elle fit son allusion accoutumée à ses malheurs : mon Dieu ! oui, après dix jours de mariage, le cruel était parti un matin et n’était pas revenu, personne n’avait jamais su pourquoi.

— Vous comprenez, continua-t-elle en levant les yeux au plafond, après des coups pareils, c’est fini pour une femme.

Octave avait gardé sa petite main tiède qui se fondait dans la sienne, et il la baisait toujours à légers coups, sur les doigts. Elle ramena les yeux vers lui, le considéra d’un air vague et tendre, puis, maternellement, elle dit ce seul mot :

— Enfant !

Se croyant encouragé, il voulut la saisir à la taille, l’attirer sur le canapé ; mais elle se dégagea sans