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LES ROUGON-MACQUART

à cette jeunesse d’un beau garçon. Il lui souriait pourtant, surpris, touché de sa grâce, ne sachant ce qu’il devait croire ; tandis que la tante, vieillie dans un célibat et une chasteté qui ne lui avaient rien coûté, continuait, en baissant la voix :

— Je l’aurais mariée, n’est-ce pas ? Un ouvrier la battrait, un employé se mettrait à lui faire des enfants par-dessus la tête… Vaut mieux encore qu’elle se conduise bien avec monsieur Narcisse, qui a l’air d’un honnête homme.

Et, élevant la voix :

— Allez, monsieur Narcisse, il n’y aurait pas de ma faute, si elle ne vous contentait pas… Toujours, je répète : fais-lui plaisir, sois reconnaissante… C’est naturel, je suis si contente de la savoir enfin à l’abri. On a tant de peine à caser une jeune fille, quand on n’a pas de relations !

Alors, Octave s’abandonna à l’heureuse bonhomie de cet intérieur. Dans l’air mort de la pièce, flottait une odeur de fruitier. L’aiguille de Fifi, piquant la soie, mettait seule un petit bruit régulier, comme le tic-tac d’un coucou qui aurait réglé l’embourgeoisement des amours de l’oncle. D’ailleurs, la vieille demoiselle était la probité même : elle vivait sur ses mille francs de rente, jamais elle ne touchait à l’argent de Fifi, qui le dépensait à son gré. Ses scrupules cédaient uniquement devant du vin blanc et des marrons, que sa nièce lui payait parfois, quand elle vidait la tire-lire où elle amassait des pièces de quatre sous, données comme des médailles par son bon ami.

— Mon petit poulet, déclara enfin Bachelard en se levant, nous avons des affaires… À demain. Soyez toujours bien sage.

Il lui mit un baiser sur le front. Puis, après l’avoir contemplée avec émotion, il dit à Octave :