Page:Emile Zola - Pot-Bouille.djvu/168

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
168
LES ROUGON-MACQUART

monde, on serait bien bête de ne pas se faire ailleurs un petit intérieur drôlichon, où l’on puisse recevoir ses amis en pantoufles.

— Dimanche, raconta Gueulin, Clarisse voulait m’avoir à déjeuner, seul avec elle. J’ai refusé. Après ces déjeuners-là, on fait des bêtises ; et j’ai eu peur de la voir s’installer chez moi, le jour où elle lâchera Duveyrier… Vous savez qu’elle l’exècre, oh ! un dégoût à en être malade. Dame ! elle n’aime guère les boutons non plus, cette fille ! Mais elle n’a pas la ressource de l’envoyer dehors, comme sa femme ; autrement, si elle pouvait aussi le passer à sa bonne, je vous assure qu’elle se débarrasserait vite de la corvée.

Le fiacre s’arrêtait. Ils descendirent devant une maison muette et noire de la rue de la Cerisaie. Mais ils durent attendre l’autre fiacre dix grandes minutes, Bachelard ayant emmené son cocher boire un grog, après la querelle de la rue Montmartre. Dans l’escalier, d’une sévérité bourgeoise, comme M. Josserand lui posait de nouvelles questions sur l’amie de Duveyrier, l’oncle répéta simplement :

— Une femme du monde, une bonne fille… Elle ne vous mangera pas.

Ce fut une petite bonne, la mine rose, qui vint ouvrir. Elle débarrassa ces messieurs de leurs paletots, avec des rires familiers et tendres. Un instant, Trublot la retint dans un coin de l’antichambre, en lui disant à l’oreille des choses dont elle étouffait, comme chatouillée. Mais Bachelard avait poussé la porte du salon, et tout de suite il présenta M. Josserand. Celui-ci resta un instant gêné, trouvant Clarisse laide, ne comprenant pas comment le conseiller pouvait préférer à sa femme, une des plus belles personnes de la société, cette sorte de gamin, noire et maigre, avec une tête ébouriffée de caniche. D’ailleurs, Clarisse fut char-