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LES ROUGON-MACQUART

réservée aux deux familles, où il la coucha sur un canapé. Des dames l’avaient suivi, madame Juzeur, madame Dambreville, qui la délacèrent, pendant qu’il se retirait avec discrétion.

Cependant, trois ou quatre personnes au plus, dans le salon, avaient remarqué cette courte scène de violence. Madame Duveyrier et madame Josserand continuaient à recevoir les invités, dont le flot peu à peu emplissait la vaste pièce de toilettes claires et d’habits noirs. Un murmure de paroles aimables montait, des visages continuellement souriaient autour de la mariée : des faces épaisses de pères et de mères, des profils maigres de fillettes, des têtes fines et compatissantes de jeunes femmes. Dans le fond, un violon accordait sa chanterelle, qui jetait de petits cris plaintifs.

— Monsieur, je vous demande pardon, dit Théophile en abordant Octave, dont il avait rencontré les yeux, au moment où il tordait le bras de sa femme. Tout le monde, à ma place, vous aurait soupçonné, n’est-ce pas ?… Mais je tiens à vous serrer la main, afin de vous prouver que j’ai reconnu mon erreur.

Il lui serra la main, il l’emmena à l’écart, torturé par le besoin de s’épancher, de trouver un confident pour vider son cœur.

– Ah ! monsieur, si je vous racontais…

Et, longuement, il parla de sa femme. Jeune fille, elle était délicate, on disait en plaisantant que le mariage la remettrait. Elle manquait d’air dans la boutique de ses parents, où pendant trois mois il l’avait vue tous les soirs très gentille, obéissante, le caractère triste, mais charmant.

— Eh bien ! monsieur, le mariage ne l’a pas remise, loin de là… Au bout de quelques semaines, elle était terrible, nous ne pouvions plus nous entendre. Des