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LES ROUGON-MACQUART

la seconde, une grande maison de quatre étages, dont la pierre gardait une pâleur à peine roussie, au milieu du plâtre rouillé des vieilles façades voisines. Octave, qui était descendu sur le trottoir, la mesurait, l’étudiait d’un regard machinal, depuis le magasin de soierie du rez-de-chaussée et de l’entresol, jusqu’aux fenêtres en retrait du quatrième, ouvrant sur une étroite terrasse. Au premier, des têtes de femme soutenaient un balcon à rampe de fonte très ouvragée. Les fenêtres avaient des encadrements compliqués, taillés à la grosse sur des poncifs ; et, en bas, au-dessus de la porte cochère, plus chargée encore d’ornements, deux amours déroulaient un cartouche, où était le numéro, qu’un bec de gaz intérieur éclairait la nuit.

Un gros monsieur blond, qui sortait du vestibule, s’arrêta net, en apercevant Octave.

— Comment ! vous voilà ! cria-t-il. Mais je ne comptais sur vous que demain !

— Ma foi, répondit le jeune homme, j’ai quitté Plassans un jour plus tôt… Est-ce que la chambre n’est pas prête ?

— Oh ! si… J’avais loué depuis quinze jours, et j’ai meublé ça tout de suite, comme vous me le demandiez. Attendez, je veux vous installer.

Il rentra, malgré les instances d’Octave. Le cocher avait descendu les trois malles. Debout dans la loge du concierge, un homme digne, à longue face rasée de diplomate, parcourait gravement le Moniteur. Il daigna pourtant s’inquiéter de ces malles qu’on déposait sous sa porte ; et, s’avançant, il demanda à son locataire, l’architecte du troisième, comme il le nommait :

— Monsieur Campardon, est-ce la personne ?

— Oui, monsieur Gourd, c’est monsieur Octave Mouret, pour qui j’ai loué la chambre du quatrième. Il couchera là-haut et il prendra ses repas chez nous…