Page:Emile Zola - Pot-Bouille.djvu/210

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
210
LES ROUGON-MACQUART

Rose se calmait, souriait déjà au milieu de ses larmes. Alors, l’architecte, emporté par l’attendrissement, les saisit toutes les deux dans une même étreinte, leur donna des baisers, en balbutiant :

— Oui, oui, nous nous aimerons bien, nous t’aimerons bien, ma pauvre cocotte… Tu verras comme tout s’arrangera, à présent que nous sommes réunis.

Et, se tournant vers Octave :

— Ah ! mon cher, on a beau dire, il n’y a encore que la famille !

La fin de la soirée fut charmante. Campardon, qui s’endormait d’habitude au sortir de table, s’il restait chez lui, retrouva sa gaieté d’artiste, les vieilles farces et les chansons raides de l’École des Beaux-Arts. Lorsque, vers onze heures, Gasparine se retira, Rose voulut l’accompagner, malgré la difficulté qu’elle éprouvait à marcher, ce jour-là ; et, penchée sur la rampe, dans le silence grave de l’escalier :

— Reviens souvent ! cria-t-elle.

Le lendemain, Octave, intéressé, tâcha de faire causer la cousine au Bonheur des Dames, comme ils recevaient ensemble un arrivage de lingerie. Mais elle répondit d’une voix brève, il la sentit hostile, fâchée de l’avoir eu pour témoin, la veille. D’ailleurs, elle ne l’aimait pas, elle lui témoignait, dans leurs rapports forcés, une sorte de rancune. Depuis longtemps, elle comprenait son jeu auprès de la patronne, et elle assistait à sa cour assidue, avec des regards noirs, une moue méprisante des lèvres, dont il restait parfois troublé. Lorsque cette grande diablesse de fille allongeait ses mains sèches entre eux, il éprouvait la sensation nette et désagréable, que jamais il n’aurait madame Hédouin.

Cependant, Octave s’était donné six mois. Quatre à peine venaient de s’écouler, et des impatiences le pre-