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LES ROUGON-MACQUART

pudeur. Il venait de s’apercevoir que la petite, par-dessus son histoire sainte, lisait la Gazette de France, traînant sur la table.

— Angèle, dit-il sévèrement, que fais-tu là ?… Ce matin, j’ai barré l’article au crayon rouge. Tu sais bien que tu ne dois pas lire ce qui est barré.

— Papa, je lisais à côté, répondit la jeune fille.

Il ne lui en enleva pas moins le numéro, en se plaignant tout bas à Octave de la démoralisation de la presse. Il y avait encore, ce jour-là, un crime abominable. Si les familles ne pouvaient plus admettre la Gazette de France, alors à quel journal s’abonner ? Et il levait les yeux au ciel, lorsque Lisa annonça l’abbé Mauduit.

— Tiens ! c’est vrai, dit Octave, il m’avait prié de vous avertir de sa visite.

L’abbé entra, souriant. Comme l’architecte avait oublié d’enlever sa croix de papier, il balbutia devant ce sourire. Justement, l’abbé était la personne dont on cachait le nom et qui s’occupait de l’affaire.

— Ce sont ces dames, murmurait Campardon. Sont-elles assez folles !

— Non, non, gardez-la, répondit le prêtre très aimable. Elle est bien où elle est, et nous la remplacerons par une autre plus solide.

Tout de suite, il demanda à Rose des nouvelles de sa santé, et approuva beaucoup Gasparine de s’être fixée auprès d’une personne de sa famille. Les demoiselles seules, à Paris, couraient tant de risques ! Il disait ces choses avec son onction de bon prêtre, n’ignorant rien cependant. Ensuite, il causa des travaux, il proposa une modification heureuse. Et il semblait être venu pour bénir la bonne union de la famille et sauver ainsi une situation délicate, dont on pouvait causer dans le quartier. L’architecte du Calvaire devait avoir le respect des honnêtes gens.