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LES ROUGON-MACQUART

pondit Hippolyte. Oh ! j’ai eu une peine pour le trouver !

En haut, dans le salon, madame Duveyrier vint à leur rencontre. Elle avait beaucoup pleuré, ses regards brillaient sous ses paupières rougies. Le conseiller ouvrit les bras, plein de gêne ; et il l’embrassa, en murmurant :

— Ma pauvre Clotilde !

Surprise de cette effusion inaccoutumée, elle recula. Octave était demeuré en arrière ; mais il entendit le mari ajouter à voix basse :

— Pardonne-moi, oublions nos torts, dans cette triste circonstance… Tu le vois, je te reviens, et pour toujours… Ah ! je suis bien puni !

Elle ne répondit rien, se dégagea. Puis, reprenant devant Octave son attitude de femme qui veut ignorer :

— Je ne vous aurais pas dérangé, mon ami, car je sais combien cette enquête sur l’affaire de la rue de Provence est pressée. Mais je me suis vue seule, j’ai senti votre présence nécessaire… Mon pauvre père est perdu. Entrez le voir, le docteur est auprès de lui.

Quand Duveyrier eut passé dans la chambre voisine, elle s’approcha d’Octave qui, pour se donner une contenance, se tenait devant le piano. L’instrument était resté ouvert, le morceau de Zémire et Azor se trouvait encore sur le pupitre ; et il affectait de le déchiffrer. La lampe n’éclairait toujours de sa lumière douce qu’un angle de la vaste pièce. Madame Duveyrier regarda un instant le jeune homme sans parler, tourmentée d’une inquiétude qui finit par la jeter hors de sa réserve habituelle.

— Il était là-bas ? demanda-t-elle d’une voix brève.

— Oui, madame.

— Alors, quoi donc, qu’y a-t-il ?