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LES ROUGON-MACQUART

minutes de conversation, elle revint auprès de la bonne de Valérie.

— C’est un micmac où personne ne comprend rien. Je crois que votre dame aurait pu ne pas se faire faire d’enfant et laisser tout de même crever son mari, car ils en sont encore, paraît-il, à chercher le magot du vieux… La cuisinière dit qu’ils ont des figures là-dedans, enfin des figures de gens qui se ficheront des claques avant ce soir.

Adèle arrivait, avec quatre sous de beurre sous son tablier, madame Josserand lui ayant recommandé de ne jamais montrer les provisions. Lisa voulut voir, puis la traita furieusement de dinde. Est-ce qu’on descendait pour quatre sous de beurre ! Ah bien ! c’est elle qui aurait forcé ces pingres à la mieux nourrir, ou elle se serait nourrie avant eux ; oui, sur le beurre, sur le sucre, sur la viande, sur tout. Depuis quelque temps, les autres bonnes poussaient ainsi Adèle à la révolte. Elle se pervertissait. Elle cassa un petit morceau de beurre et le mangea immédiatement, sans pain, pour faire la brave devant les autres.

— Montons-nous ? demanda-t-elle.

— Non, dit la veuve, je veux le voir descendre. J’ai gardé pour ça une commission.

— Moi aussi, ajouta Lisa. On assure qu’il pèse huit cents. S’ils le lâchaient dans leur bel escalier, ça ferait un joli dégât !

— Moi, je monte, j’aime mieux ne pas le voir, reprit Adèle… Merci ! pour rêver encore, comme la nuit dernière, qu’il vient me tirer les pieds, en me fichant des sottises, à cause de mes ordures.

Elle s’en alla, poursuivie par les plaisanteries des deux autres. Toute la nuit, à l’étage des domestiques, on s’était amusé des cauchemars d’Adèle. D’ailleurs, les bonnes, pour ne pas être seules, avaient laissé leurs