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POT-BOUILLE

écoutes, fut alarmé. D’un coup d’œil, il fouilla les étages ; mais il aperçut seulement le fin profil de madame Juzeur. Le dos rond, il rentra sur la pointe des pieds dans sa loge, où il reprit son air digne. On pouvait nier. Lui, ravi, donnait raison au nouveau propriétaire.

Quelques jours plus tard, il y eut un raccommodement entre Auguste et sa sœur. La maison en resta surprise. On avait vu Octave se rendre chez les Duveyrier. Le conseiller, inquiet, s’était décidé à abandonner le loyer du magasin pendant cinq ans, pour fermer au moins la bouche d’un des héritiers. Lorsque Théophile apprit cela, il descendit avec sa femme faire une nouvelle scène chez son frère. Voilà qu’il se vendait à cette heure, qu’il passait du côté des brigands ! Mais madame Josserand se trouvait dans le magasin, il reçut vite son paquet. Elle conseilla tout net à Valérie de ne pas plus se vendre que sa fille ne se vendait. Et Valérie dut battre en retraite, criant :

— Alors, nous serions les seuls à tirer la langue ?… Du diable si je paie mon terme ! J’ai un bail. Ce galérien peut-être n’osera pas nous renvoyer… Et toi, ma petite Berthe, nous verrons un jour ce qu’il faudra y mettre, pour t’avoir !

Les portes claquèrent de nouveau. C’était, entre les deux ménages, une haine à mort. Octave, qui avait rendu des services, restait présent, entrait dans l’intimité de la famille. Berthe s’était presque évanouie entre ses bras, pendant qu’Auguste s’assurait que les clients n’avaient pu entendre. Madame Josserand elle-même donnait sa confiance au jeune homme. D’ailleurs, elle demeurait sévère pour les Duveyrier.

— Le loyer, c’est quelque chose, dit-elle. Mais je veux les cinquante mille francs.

— Sans doute, si tu verses les tiens, hasarda Berthe.