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LES ROUGON-MACQUART

appelait « les machines » d’Octave ; car il ne pouvait se donner un baiser dans la maison, sans qu’elle l’entendît. Et, au fond du large canapé, tous deux en étaient arrivés à une bonne causerie intime, qu’ils coupaient, sans y penser, de chatteries promenées un peu partout. Elle le traitait de grand nigaud, car il avait raté Valérie par sa faute ; elle la lui aurait fait avoir tout de suite, s’il était simplement entré demander un conseil. Ensuite, elle le questionnait sur cette petite Pichon, des jambes affreuses et rien là dedans, pas vrai ? Mais elle revenait toujours à Berthe, elle la trouvait charmante, une peau superbe, un pied de marquise. À ce jeu, elle dut le repousser bientôt.

— Non, laissez-moi, il faudrait être sans principes, par exemple !… D’ailleurs, ça ne vous ferait pas plaisir. Hein ? vous dites que si. Oh ! c’est histoire de me flatter. Ce serait trop vilain, si ça vous faisait plaisir… Gardez ça pour elle. Au revoir, mauvais sujet !

Et elle le renvoya, en exigeant de lui le serment solennel de venir se confesser souvent, sans rien cacher, s’il voulait qu’elle prît la direction de son cœur.

Octave la quitta tranquillisé. Elle lui avait rendu sa belle humeur, elle l’amusait, avec la complication de sa vertu. En bas, dès qu’il entra dans le magasin, il rassura d’un signe Berthe, dont les yeux l’interrogeaient au sujet du chapeau. Alors, toute la terrible aventure du matin fut oubliée. Quand Auguste revint, un peu avant le déjeuner, il les trouva comme tous les jours, Berthe ennuyée sur la banquette de la caisse, Octave occupé à métrer galamment de la faille pour une dame.

Mais, à partir de ce jour, les deux amants eurent des rendez-vous plus rares encore. Lui, très ardent, se désespérait, la poursuivait dans les coins, avec de continuelles sollicitations, des demandes de