Page:Emile Zola - Pot-Bouille.djvu/336

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
336
LES ROUGON-MACQUART

— Non, personne ! il la garde plus longtemps que l’autre fois… Quelle sacrée fille sans cervelle ! Si elle m’avait donné la clef au moins, je l’aurais attendue au chaud, dans son lit.

Alors, il regagna le grenier où il s’était réfugié, emmenant avec lui Octave, qui désirait d’ailleurs le questionner sur la fin de la soirée, chez les Josserand. Mais il ne le laissa pas ouvrir la bouche, il revint tout de suite à Duveyrier, dans l’obscurité d’un noir d’encre, alourdie sous les poutres. Oui, cet animal avait d’abord voulu Julie ; seulement, celle-là était trop propre, et du reste, là-bas, à la campagne, elle en tenait pour le petit Gustave, un galopin de seize ans qui promettait. Alors, mouché de ce côté, le conseiller, n’osant prendre Clémence à cause d’Hippolyte, avait jugé sans doute plus convenable d’en choisir une en dehors de son ménage. Et on ne savait ni où ni comment il s’était jeté sur Adèle : sans doute derrière une porte, dans un courant d’air, car cette grosse bête de souillon empochait les hommes comme les gifles, l’échine tendue, et ce n’était certes pas au propriétaire qu’elle aurait osé faire une impolitesse.

— Depuis un mois, il ne manque pas un des mardis des Josserand, dit Trublot. Ça me gêne… Faudra que je lui retrouve Clarisse, pour qu’il nous fiche la paix.

Octave put enfin l’interroger sur la fin de la soirée. Berthe avait quitté sa mère avant minuit, l’air très tranquille. Sans doute il allait la trouver dans la chambre de Rachel. Mais Trublot, heureux de la rencontre, ne le lâchait plus.

— C’est idiot, de me laisser droguer si longtemps, continuait-il. Avec ça, je dors debout. Mon patron m’a mis à la liquidation : trois nuits par semaine où l’on ne se couche pas, mon cher… Si encore Julie était là, elle me ferait bien une petite place. Mais Duveyrier n’a-