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LES ROUGON-MACQUART

qui sortait avec les robes de madame et qui avait giflé madame, le jour où madame s’était permis une observation. Tout ça en un mois ! Pas même le temps d’aller les pincer dans leur cuisine !

— Et puis, ajouta-t-il, il y a eu Eugénie. Vous avez dû la remarquer, une grande belle fille, une Vénus, mon cher ! mais sans blague, cette fois : on se retournait dans la rue pour la regarder… Alors, pendant dix jours, la maison a été en l’air. Ces dames étaient furieuses. Les hommes ne tenaient plus : Campardon tirait la langue, Duveyrier avait trouvé le truc de monter tous les jours ici, pour voir si des fuites ne se produisaient pas dans la toiture. Une vraie révolution, un allumage dont leur sacrée baraque flambait des caves aux greniers… Moi, je me suis méfié. Elle était trop chic ! Croyez-moi, mon cher, laides et bêtes, pourvu qu’on en ait plein les bras : voilà mon opinion, par principe et par goût… Et quel nez j’ai eu ! Eugénie a fini par être flanquée dehors, le jour où madame s’est aperçue, à ses draps, noirs comme de la suie, qu’elle recevait chaque matin le charbonnier de la place Gaillon ; des draps de nègre dont le blanchissage coûtait les yeux de la tête ! Mais qu’est-il arrivé ? Le charbonnier en a été très malade, et le cocher des gens du second, laissé ici par ses maîtres, ce butor de cocher qui les prend toutes, a étrenné également, au point qu’il en tire encore la jambe. Celui-là, je ne le plains pas, il m’embête !

Enfin, Octave put se dégager. Il laissait Trublot dans l’obscurité profonde du grenier, lorsque ce dernier s’étonna brusquement.

— Mais vous, que fichez-vous donc, chez les bonnes ?… Ah ! scélérat, vous y venez !

Et il riait d’aise. Il promit le secret, le renvoya avec le souhait d’une nuit agréable. Lui, résolument, atten-