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LES ROUGON-MACQUART

oui pour l’argent ! car je m’y connais, je parie qu’elle n’a pas même de plaisir avec un homme.

Des larmes jaillirent des yeux de Berthe. Octave regardait son visage se décomposer. Ils se trouvaient comme écorchés au sang l’un devant l’autre, mis à nu, sans protestation possible. Alors, la jeune femme, suffoquée par cette bouche de puisard qui la souffletait, voulut fuir. Il ne la retint pas, car le dégoût d’eux-mêmes faisait de leur présence une torture, et ils aspiraient au soulagement de ne plus se voir.

— Tu as promis, mardi prochain, chez moi.

— Oui, oui.

Et elle se sauva, éperdue. Il demeura seul, piétinant, tâtonnant des mains, remettant en paquet le linge apporté par lui. Il n’écoutait plus les bonnes, lorsqu’une dernière phrase l’arrêta net.

— Je vous dis que monsieur Hédouin est mort hier soir… Si le bel Octave avait prévu ça, il aurait continué à chauffer madame Hédouin, qui a le sac.

Cette nouvelle, apprise là, dans ce cloaque, retentissait au fond de son être. M. Hédouin était mort ! Et un regret immense l’envahissait. Il pensa tout haut, il ne put retenir cette réponse :

— Ah ! oui, par exemple, j’ai fait une bêtise !

Comme Octave descendait enfin, avec son paquet de linge, il rencontra Rachel qui montait à sa chambre. Quelques minutes de plus, elle les surprenait. En bas, elle venait encore de trouver madame en larmes ; mais, cette fois, elle n’en avait rien tiré, ni un aveu, ni un sou. Furieuse, comprenant qu’on profitait de son absence pour se voir et lui filouter ainsi ses petits bénéfices, elle dévisagea le jeune homme d’un regard noir de menaces. Une singulière timidité d’écolier empêcha Octave de lui donner dix francs ; et, désireux de montrer une entière liberté d’esprit, il entrait plaisan-