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POT-BOUILLE

dîner un mardi, pour fêter le rétablissement de la jeune femme, qui sortait depuis la veille seulement. Désireuse d’apaiser sa mère, que la vue de l’enfant, une fille encore, contrariait, elle s’était décidée à l’envoyer en nourrice, près de Paris. Lilitte dormait sur la table, assommée par un verre de vin pur, que les parents lui avaient fait boire de force, à la santé de sa petite sœur.

— Enfin, deux, c’est possible ! dit madame Vuillaume, après avoir trinqué avec Octave. Seulement, mon gendre, ne recommencez pas.

Tous se mirent à rire. Mais la vieille femme restait grave. Elle continua :

— Il n’y a là rien de drôle… Nous acceptons cet enfant, mais je vous jure que s’il en revenait un autre…

— Oh ! s’il en revenait un autre, acheva M. Vuillaume, vous n’auriez ni cœur ni cervelle… Que diable ! on est sérieux dans la vie, on se retient, lorsqu’on n’a pas des mille et des cents à dépenser en agréments.

Et, se tournant vers Octave :

— Tenez ! monsieur, je suis décoré. Eh bien ! si je vous disais que, pour ne pas trop salir de rubans, je ne porte pas ma décoration dans mon intérieur… Alors, raisonnez : quand je nous prive, ma femme et moi, du plaisir d’être décoré chez nous, nos enfants peuvent bien se priver du plaisir de faire des filles… Non, monsieur, il n’y a pas de petites économies.

Mais les Pichon protestèrent de leur obéissance. Si on les y reprenait par exemple, il ferait chaud !

— Pour souffrir ce que j’ai souffert ! dit Marie encore toute pâle.

— J’aimerais mieux me couper une jambe, déclara Jules.

Les Vuillaume hochaient la tête d’un air satisfait. Ils avaient leur parole, ils pardonnaient. Et, comme dix