Page:Emile Zola - Pot-Bouille.djvu/380

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
380
LES ROUGON-MACQUART

le seul, regardant son frère pour voir la figure qu’on faisait.

— Maintenant, qu’as-tu résolu ? lui demanda-t-il.

— Mais de me battre ! répondit le mari fermement.

La joie de Théophile fut gâtée. Sa femme et lui devinrent froids, devant le courage d’Auguste. Ce dernier leur racontait la scène affreuse de la nuit, comment ayant eu le tort de reculer devant l’achat d’un pistolet, il s’était forcément contenté de gifler le monsieur ; là-dessus, à la vérité, le monsieur lui avait rendu sa gifle ; mais ça ne l’empêchait pas d’en avoir empoché une, et fameuse ! Un misérable qui se moquait de lui depuis six mois, en feignant de lui donner raison contre sa femme, et qui poussait l’aplomb jusqu’à faire des rapports sur elle, les jours où elle se dérangeait ! Quant à cette créature, puisqu’elle s’était réfugiée chez ses parents, elle pouvait y rester, jamais il ne la reprendrait.

— Croiriez-vous que, le mois dernier, je lui ai accordé trois cents francs pour sa toilette ! cria-t-il. Moi, si bon, si tolérant, qui étais décidé à tout accepter, plutôt que de me rendre malade !… Mais on ne peut pas accepter ça, non ! non ! on ne peut pas !

Théophile songeait à la mort. Il eut un petit tremblement de fièvre, il s’étrangla, en disant :

— C’est bête, tu vas te faire embrocher. Moi, je ne me battrais pas.

Et, comme Valérie le regardait, il ajouta, gêné :

— Si ça m’arrivait.

— Ah ! la malheureuse ! murmura alors la jeune femme, quand on pense que deux hommes vont se massacrer pour elle ! À sa place, je n’en dormirais plus.

Auguste restait inébranlable. Il se battrait. D’ailleurs, ses dispositions étaient arrêtées. Comme il voulait absolument Duveyrier pour témoin, il allait monter le