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POT-BOUILLE

application exemplaire. Un rayon de soleil, qui glissait d’un toit voisin, égayait la petite pièce, dorait ce coin d’innocence, où les bruits des voitures n’arrivaient même pas. Toute la poésie de Bachelard était remuée.

— Que le bon Dieu vous bénisse ! monsieur Narcisse, lui dit la tante Menu en le reconduisant. Je suis plus tranquille… N’écoutez que votre cœur : il vous inspirera.

Le cocher, une fois encore, s’était endormi, et il grogna, quand l’oncle lui donna l’adresse de M. Desmarquay, rue Saint-Lazare. Sans doute le cheval dormait aussi, car il fallut une grêle de coups de fouet pour le mettre en branle. Enfin, le fiacre roula péniblement.

— C’est dur tout de même, reprit l’oncle au bout d’un silence. Vous ne pouvez vous imaginer l’effet que ça m’a produit, quand j’ai aperçu Gueulin en chemise… Non, voyez-vous, il faut avoir passé par là.

Et il continua, il appuyait sur les détails, sans remarquer le malaise croissant d’Auguste. Enfin, celui-ci, sentant sa position devenir de plus en plus fausse, lui dit pourquoi il était si pressé de trouver Duveyrier.

— Berthe avec ce calicot ! cria l’oncle, vous m’étonnez, monsieur !

Et il semblait que son étonnement vînt surtout du choix de sa nièce. D’ailleurs, après réflexion, il s’indigna. Sa sœur Éléonore avait bien des reproches à se faire. Il lâchait sa famille. Sans doute, il ne se mêlerait pas de ce duel ; mais il le jugeait indispensable.

— Ainsi, moi, tout à l’heure, quand j’ai vu Fifi avec un homme en chemise, ma première idée a été de tout massacrer… Si vous passiez par là…

Un tressaillement douloureux d’Auguste le fit s’interrompre.