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POT-BOUILLE

Elle s’arrêta de sucer son os, et d’un air d’impatience :

— Après ?… Verdier m’a promis de la lâcher. C’est une dinde.

— Hortense, tu as tort de parler de la sorte… Et si ce garçon te lâche aussi, un jour, pour retourner avec celle que tu lui auras fait quitter ?

— Ça, c’est mon affaire, répéta la jeune fille de sa voix brève.

Berthe écoutait, au courant de cette histoire, dont elle discutait journellement les éventualités avec sa sœur. D’ailleurs, comme son père, elle était pour la pauvre femme, qu’on parlait de mettre à la rue, après quinze ans de ménage. Mais madame Josserand intervint.

— Laissez donc ! ces malheureuses finissent toujours par retourner au ruisseau. Seulement, c’est Verdier qui n’aura jamais la force de s’en séparer… Il te fait aller, ma chère. À ta place, je ne l’attendrais pas une seconde, je tâcherais d’en trouver un autre.

La voix d’Hortense devint plus aigre, tandis que deux taches livides lui montaient aux joues.

— Maman, tu sais comment je suis… Je le veux et je l’aurai. Jamais je n’en épouserai un autre, quand je devrais l’attendre cent ans.

La mère haussa les épaules.

— Et tu traites les autres de dindes !

Mais la jeune fille s’était levée, frémissante.

— Hein ? ne tombe pas sur moi ! cria-t-elle. J’ai fini mon lapin, j’aime mieux aller me coucher… Puisque tu n’arrives pas à nous marier, il faut bien nous permettre de le faire à notre guise.

Et elle se retira, elle referma violemment la porte. Madame Josserand s’était tournée avec majesté vers son mari. Elle eut ce mot profond :