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LES ROUGON-MACQUART

-être viendrait-il déjeuner. Depuis une semaine, le jeune homme avait rompu avec madame Dambreville, qui, pour tenir sa promesse, voulait le marier à une veuve, sèche et noire ; mais lui entendait épouser une nièce de M. Dambreville, une créole très riche et d’une beauté éclatante, débarquée au mois de septembre chez son oncle, après avoir perdu son père, mort aux Antilles. Et il y avait eu des scènes terribles entre les deux amants, madame Dambreville refusait sa nièce à Léon, brûlée de jalousie, ne pouvant se résigner devant cette fleur adorable de jeunesse.

— Où en est le mariage ? demanda M. Josserand avec discrétion.

D’abord, la mère répondit en phrases expurgées, à cause d’Hortense. Maintenant, elle était aux pieds de son fils, un garçon qui réussissait ; et même elle le jetait parfois à la face du père, en disant que, Dieu merci ! celui-là tenait d’elle et qu’il ne laisserait pas sa femme sans souliers. Peu à peu, elle s’échauffa.

— Enfin, il en a assez ! C’est bon un moment, ça ne lui a pas été nuisible. Mais, si la tante ne donne pas la nièce, bonsoir ! il lui coupe les vivres… Moi, je l’approuve.

Hortense, par décence, se mit à boire son café, en affectant de disparaître derrière le bol ; tandis que Berthe, qui pouvait tout entendre désormais, avait une légère moue de répugnance pour les succès de son frère. La famille allait se lever de table, et M. Josserand, ragaillardi, se sentant beaucoup mieux, parlait de se rendre quand même à son bureau, lorsque Adèle apporta une carte. La personne attendait au salon.

— Comment, c’est elle ! à cette heure-ci ! s’écria madame Josserand. Et moi qui n’ai pas de corset !… Tant pis ! il faut que je lui dise ses vérités !

C’était justement madame Dambreville. Le père et les