Page:Emile Zola - Pot-Bouille.djvu/439

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
439
POT-BOUILLE

Bonheur des Dames. Il ne fréquentait plus personne, ni les Campardon, ni les Duveyrier, qui étaient outrés du scandale de ses amours. M. Gourd lui-même, quand il le voyait, affectait de ne pas le reconnaître, afin de ne pas avoir à le saluer. Seules, Marie et madame Juzeur, les matins où elles le rencontraient dans le quartier, entraient causer un instant sous une porte : madame Juzeur, qui l’interrogeait passionnément au sujet de madame Hédouin, aurait voulu le décider à venir chez elle, pour parler de ça, gentiment ; Marie, désolée, se plaignant d’être de nouveau enceinte, lui disait la stupéfaction de Jules et la colère terrible de ses parents. Puis, quand le bruit de son mariage devint sérieux, Octave fut surpris de recevoir un grand salut de M. Gourd. Campardon, sans se remettre encore, lui envoya à travers la rue un signe de tête cordial ; tandis que Duveyrier, en allant un soir acheter des gants, se montra fort aimable. Toute la maison commençait à pardonner.

D’ailleurs, la maison avait retrouvé le train de son honnêteté bourgeoise. Derrière les portes d’acajou, de nouveaux abîmes de vertus se creusaient ; le monsieur du troisième venait travailler une nuit par semaine, l’autre madame Campardon passait avec la rigidité de ses principes, les bonnes étalaient des tabliers éclatants de blancheur ; et, dans le silence tiède de l’escalier, les pianos seuls, à tous les étages, mettaient les mêmes valses, une musique lointaine et comme religieuse.

Cependant, le malaise de l’adultère persistait, insensible pour les gens sans éducation, mais désagréable aux personnes d’une moralité raffinée. Auguste s’obstinait à ne pas reprendre sa femme, et tant que Berthe demeurerait chez ses parents, le scandale ne serait pas effacé, il en resterait une trace matérielle. Aucun locataire, du reste, ne racontait publiquement la véritable